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Smartphones : la cigarette du 21e siècle ?

  • 2 nov.
  • 4 min de lecture
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Dans les années 1990, allumer une cigarette était un geste banal. Dans un bureau, en réunion, au restaurant, dans une salle d’attente, chaque instant de creux trouvait sa solution dans un briquet et une bouffée de fumée. La cigarette occupait les mains, remplissait le silence, calmait l’anxiété. Elle créait une atmosphère de connivence sociale autant qu’elle maintenait une dépendance invisible.


Il a fallu des décennies pour comprendre, puis admettre, que ce geste automatique détruisait la santé. Encore plus de temps pour que les institutions réagissent : interdictions de fumer dans les lieux publics, campagnes de prévention, taxation. Aujourd’hui, il est impensable d’imaginer un enfant avec une cigarette à la bouche.


Mais le réflexe n’a pas disparu. Il a changé de forme.


Aujourd’hui, dès qu’il y a une attente, un silence, une transition, la main ne cherche plus un briquet, mais un smartphone. On scrolle dans la file d’attente. On scrolle quand l’ami va aux toilettes au restaurant. On scrolle entre deux mails, deux réunions, deux stations de métro. Le smartphone est devenu la cigarette du 21e siècle : un geste réflexe, banalisé, omniprésent.


Une banalisation qui n’est pas sans conséquences


Comme pour la cigarette, les effets délétères apparaissent avec le temps, et la recherche commence à les documenter. L’usage intensif du smartphone est associé à davantage d’anxiété, de dépression et de stress perçu. Il perturbe le sommeil en retardant l’horloge biologique, dégrade la qualité de la récupération, fragilise l’attention. Des expériences en laboratoire montrent même que la simple présence d’un smartphone sur une table réduit la capacité de mémoire de travail disponible.


Une méta-analyse publiée dans World Psychiatry estime qu’un quart des jeunes adultes présentent un usage problématique du smartphone, avec un risque accru de troubles dépressifs et anxieux. Des cohortes longitudinales confirment que l’usage intensif en soirée accroît les risques de symptômes dépressifs et de fatigue chronique. Même au travail, un simple « ding » de notification, sans consultation, suffit à dégrader l’attention au même niveau qu’une distraction active.


Autrement dit, le smartphone agit comme un facteur de risque systémique, qui alimente à grande échelle les dynamiques de stress chronique et de burn-out.


Un chemin parallèle à celui du tabac ?


La comparaison avec la cigarette n’est pas qu’une image. Elle permet d’interroger le temps long de la régulation. Combien d’années faudra-t-il pour que les effets soient pleinement admis ? Pour que les usages soient limités, en particulier chez les enfants et adolescents ? Pour que les géants du numérique soient questionnés sur leur responsabilité, comme l’industrie du tabac l’a été ?


Aujourd’hui, voir un enfant avec une cigarette serait un choc. Voir un enfant avec un smartphone est devenu banal. Mais il n’est pas inimaginable que, dans 10 ou 15 ans, certaines formes d’usage soient restreintes, voire interdites pour les mineurs.


Remplacer une habitude par une autre : l’approche Éclore


Chez Éclore, nous travaillons avec les personnes en situation de stress et de burn-out. Nos programmes de groupe intègrent déjà cette réflexion : nous n’utilisons pas d’écrans ni d’applications pour proposer des exercices de relaxation. Non pas que ces outils soient inefficaces, mais parce qu’il nous paraît incohérent de vouloir combattre le mal par le mal. Si une partie du problème vient des écrans, alors la solution doit aussi passer par une rééducation du geste.


C’est là que nous nous inspirons des approches décrites dans Atomic Habits : transformer une habitude en insérant un micro-comportement différent dans un rituel déjà bien ancré. Concrètement, chaque fois que surgit l’envie réflexe de sortir son téléphone, nous proposons d’y substituer un geste psychocorporel simple. Ajuster sa posture. Respirer plus profondément. Observer attentivement son environnement et repérer quelque chose d’agréable.


Ce sont de petits gestes, presque imperceptibles. Mais leur accumulation, jour après jour, construit de nouvelles habitudes : remplacer une compulsion nocive par une micro-pratique saine. Et, au fil du temps, ces pratiques renforcent la résilience et réduisent les risques d’épuisement.


Une question de société


La cigarette du 20e siècle a pris des décennies à être bannie des lieux publics. Le smartphone est en train de suivre une trajectoire comparable : d’abord une fascination, ensuite des signaux faibles, puis une accumulation de preuves scientifiques, enfin une prise de conscience collective.

Reste à savoir combien de temps nous mettrons à transformer cette prise de conscience en action concrète.


Références

– Elhai, J. D., Levine, J. C., Dvorak, R. D., & Hall, B. J. (2017). Problematic smartphone use: A conceptual overview and systematic review of relations with anxiety and depression psychopathology. Journal of Affective Disorders, 207, 251-259.

– Sohn, S., Rees, P., Wildridge, B., Kalk, N. J., & Carter, B. (2019). Prevalence of problematic smartphone usage and associated mental health outcomes: A systematic review and meta-analysis. World Psychiatry, 18(3), 356-367.

– Thomée, S., Härenstam, A., & Hagberg, M. (2011). Mobile phone use and stress, sleep disturbances, and symptoms of depression among young adults – a prospective cohort study. BMC Public Health, 11, 66.

– Ward, A. F., Duke, K., Gneezy, A., & Bos, M. W. (2017). Brain drain: The mere presence of one’s own smartphone reduces available cognitive capacity. Journal of the Association for Consumer Research, 2(2), 140-154.

– Stothart, C., Mitchum, A., & Yehnert, C. (2015). The attentional cost of receiving a cell phone notification. Journal of Experimental Psychology: Human Perception and Performance, 41(4), 893–897.

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