Burn-out : un maillon faible dans nos dispositifs de soutien aux porteurs de projet ?
- 4 août
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Les porteurs de projets et les indépendants sont un pilier essentiel de notre économie. Ce sont eux qui créent, innovent, prennent des risques et insufflent une énergie nouvelle dans des secteurs entiers. Pourtant, derrière l’image de l’entrepreneur qui prend des risques et qui ose se trouve également un réalité difficile à porter.
Je sais de quoi je parle car j’ai grandi dans une famille d’indépendants, avec ses hauts et ses bas, ses périodes fastes et ses moments où plus rien n’allait. Et aujourd’hui, je me lance à nouveau. Éclore, est un projet que je prépare depuis plus de dix ans. Je sais combien il faut d’énergie pour franchir chaque étape, faire avancer une idée, convaincre, tenir. Rien n’est jamais acquis. Cette expérience personnelle me rend profondément conscient des réalités que beaucoup vivent : l’enthousiasme, les journées à rallonge, la fatigue, le doute, et parfois l’incertitude qui pèse.
Bruxelles, comme d’autres régions, regorge de dispositifs d’accompagnement à la création d’activité. Entreprises partagées, incubateurs, programmes publics, aides à l’autocréation d’emploi : les initiatives sont nombreuses, dynamiques et bien structurées. Elles permettent à des milliers de personnes de sortir du chômage, de développer un projet, de réaliser un rêve de reconversion ou simplement de concrétiser une activité indépendante.
Mais créer son activité, ce n’est pas seulement avoir une idée, imaginer un modèle économique ou trouver des financements. C’est aussi faire face seul à l’incertitude, à la charge mentale permanente, à l’absence de repères, au stress financier, à la pression du résultat. Derrière les success stories que l’on met en avant dans les best-sellers de management ou que l’on montre en exemple dans les écoles de commerce, combien de projets n’aboutissent jamais ? On évoque toujours des raisons « rationnelles » : un mauvais business model, une analyse de marché insuffisante, des moyens trop limités, une conjoncture défavorable, un mauvais timing. Pourtant je me demande parfois combien de projets vraiment prometteurs s’éteignent simplement parce que ceux qui les portent n’ont pas tenu le coup ? Et cette question me fait penser à certains systèmes éducatifs dont on dit parfois qu’ils ont peut-être étouffé des « Mozart » ou des « Einstein » avant qu’ils n’émergent. De la même manière, combien de projets auraient pu devenir aboutir, mais ont été abandonnés, non par manque d’idées ou de talent, mais par épuisement ?
Car entreprendre n’est pas un sprint. C’est un marathon, exigeant sur le plan mental autant que physique.
On pourrait d’ailleurs faire le parallèle avec les sportifs de haut niveau. Leur réussite ne repose pas seulement sur leur talent ou leur maîtrise technique. Un athlète peut être techniquement brillant ; sans une endurance physique et mentale suffisante, il n’ira pas très loin. Pour les porteurs de projets, c’est la même réalité : il ne suffit pas d’avoir les compétences ou les financements, encore faut-il être capable de tenir sur la durée.
Et pourtant, dans les dispositifs de soutien aux indépendants, cette dimension est très peu présente. On y trouve des cours sur la gestion financière, le marketing digital, la stratégie commerciale parfois des cours de gestion du stress assez courts. Ce que je ne vois pas dans nos dispositifs sont des programmes solides qui aident à gérer la charge mentale, à construire une résilience durable, à éviter de s’épuiser. À moyen-long terme, cette pièce manquante a un coût. Pour l’économie, pour les structures publiques qui investissent dans ces dispositifs mais surtout pour les individus eux-mêmes.
Les chiffres sont éloquents. Selon l’INAMI, les arrêts longue durée pour burn-out ou dépression ont augmenté de 43 % en cinq ans. Chez les indépendants, la hausse dépasse 60 %. Ils font partie de ceux qui ont connu la plus forte croissance ces dernières années. Une enquête IDEWE menée en 2022 montre que plus de 40 % des travailleurs belges sont dans une zone à risque élevé, et que ce taux est encore plus fort chez les personnes qui travaillent seules, sans structure de soutien.
Nous faisons collectivement beaucoup pour encourager les projets. Mais trop peu pour protéger durablement les personnes qui les portent.
Dans d’autres contextes, des approches plus complètes, très proches des programmes que va commencer à proposer Eclore à Bruxelles ont été testées, étudiés, documentés et leurs résultats sont significatifs :
Le programme “Resilient Minds” en Nouvelle-Zélande, destiné aux travailleurs indépendants du secteur agricole, a réduit de 25 % les indicateurs de détresse psychologique et amélioré la rétention dans le métier.
Une initiative du National Health Service (NHS) en Angleterre a intégré des protocoles de prévention basés sur la psychologie positive pour les professionnels de santé indépendants, entraînant une baisse de 30 % des arrêts pour épuisement en moins de deux ans.
Aux États-Unis, le programme “Comprehensive Soldier Fitness” a été adapté pour des entrepreneurs accompagnés par la Small Business Administration, avec des résultats comparables : une augmentation significative de la résilience psychologique et une meilleure capacité à traverser des périodes de crise.
Ces données montrent qu’il est possible de renforcer la résilience et de prévenir l’épuisement avec des méthodes validées, même dans des contextes à forte pression.
Je pense qu’il est urgent d’ajouter cette pièce manquante à la chaîne de soutien. Car une chaîne est aussi solide que le plus faible de ses maillons. Avec Eclore, nous ne proposons pas des outils superficiels ou cosmétiques, pas de gadgets sortis de la boîte à outil magique de consultants, pas d'app ou de programmes d'une journée. Nous proposons des programmes robustes, peu coûteux et compatibles avec des agendas chargés. Les méthodes que nous utilisons sont validées par la recherche et produisent des effets mesurables.
Ils s’adressent à celles et ceux qui n’ont pas une seconde à perdre et qui doivent tenir dans la durée. Pour contribuer à les soutenir, nous cherchons à développer des collaborations avec des hubs, des espaces de coworking, des coopératives ou des structures où naissent des projets. Si vous gérez un espace de ce type ou si vous y travaillez, n’hésitez pas à relayer cette publication ou à me contacter. Cela pourrait changer la trajectoire de nombreux projets.
Références académiques :
Lomas, T. et al. (2019). The impact of mindfulness on well-being and performance in the workplace. EJWOP, 28(6), 710–732.
Seligman, M. E. P. (2011). Flourish. Free Press.
Fredrickson, B. L. (2009). Positivity. Crown.



